La disparition (I)

Publié le par www.territoireperdu.com

 

 

A propos du film de Pierre-Yves Vandeweerd : Territoire perdu  

 

 

Le cinéma de Pierre-Yves Vandeweerd est expérience des limites. C’est une ascèse dont les contraintes relèvent de l’espace et du temps. Le cinéaste se met en danger comme un reporter de guerre. Mais il sait aussi que les images qu’il filme et que les témoignages qu’il recueille n’ont de vérité que s’ils coïncident avec sa propre démarche existentielle.

Le désert est cet espace sans limite, éblouissant et hostile, érodé par les vents, mis à nu, où le cinéaste croise son destin.

Le temps qui s’y déploie est très ancien, immuable. Le nomadisme y est né. Sa liberté, aujourd’hui entravée, affirme les valeurs d’une noblesse d’âme et de pensée.

Le territoire actuel des Sahraouis est une prison à ciel ouvert, un paysage aride où les oueds ne sont pas à l’abri des bombardements. Il bute contre un mur infranchissable.

Pierre-Yves Vandeweerd arpente cet espace mutilé. Il se place face au mur et indique les distances qui l’en séparent. A mesure qu’il s’en approche, l’espace devient la cartographie d’une séparation.

La terre  stérile se matérialise en même temps que le paysage s’intériorise, se pétrifie. Nulle végétation, mais les craquelures de la terre blessée par l’ardeur du soleil.

Et cette interminable attente d’un affrontement, - les corps opaques, hiératiques, des combattants, leurs regards qui scrutent l’horizon du mur-, se métamorphosent sous la tension d’un élan réprimé. Ils deviennent à leur tour invisibles, hantent, comme des fantômes,  les lieux de la tradition et de la disparition de la mémoire. La vie s’absente.

Ils savent pourtant que la victoire viendra de cette capacité qui est la leur à durer, de la connaissance de l’espace  et du temps dont ils ont hérité de leurs ancêtres.

Cette résistance opiniâtre qui sous tend le film est irriguée par les récits de l’exode des femmes, des vieillards et des enfants vers les camps d’Algérie.

 

La vivacité des regards des femmes combattantes, la beauté de la langue des témoins, abrupte, lumineuse, sont une promesse d’une autre vie, souterraine.


Serge Meurant


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