Quelques balises historiques sur le Sahara occidental

Publié le par www.territoireperdu.com

 Sahara occidental : un territoire de la superficie de l’Angleterre, situé entre le Maroc, la Mauritanie et l’Algérie. Une des régions les plus inhospitalières du monde. Les vents de sables y soufflent en permanence. La température y atteint en été les 55° pour retomber à – 5° en hiver. Il y a quelques années encore, des populations nomades y habitaient, en grand nombre. Aujourd’hui, ce territoire est devenu un espace vidé de sa vie où l’armée marocaine et le Front populaire de Libération du Sahara occidental (POLISARIO) s’adonnent à une guerre d’usure interminable, depuis 1975, date à laquelle l’Espagne s’est retirée militairement de sa colonie, sans pour autant la décoloniser définitivement. 

Les revendications en jeu dans de ce conflit silencieux sont le droit à l’autodétermination, à l’indépendance, pour le peuple Sahraoui et le droit pour le Maroc d’annexer le Sahara occidental au nom de liens historiques et séculiers. Les enjeux économiques : l’exploitation de phosphates et de gisements de pétrole au large des côtes. 

 

CarteDu nord au sud, ce territoire est aujourd’hui traversé sur une longueur de 2500 kilomètres par un mur de sable, construit par l’armée marocaine. Haut de plusieurs mètres, il abrite, sous terre, un système sophistiqué comprenant des batteries d’artillerie et un réseau d’écrans radars. Ainsi, tout mouvement à 60 kilomètres de distance est détecté. Devant l’édifice, sur près de 400 mètres, un champ de barbelés et de mines rend par ailleurs toute tentative d’approche irréalisable.

 Occupé par plusieurs milliers de militaires marocains, ce mur a transformé dès la fin de sa construction, en 1989, une guerre d’embuscades en une guerre de l’attente. Inspiré de la ligne Barlev édifiée par les Israéliens à l’est du Sinaï, il rend aujourd’hui impossible toute incursion du POLISARIO dans la majeure partie du Sahara Occidental. 

De part et d’autre du mur, deux Sahara s’affrontent. A l’ouest, le Sahara utile, occupé par l’armée marocaine, par des centaines de milliers de colons venus du nord, par des industries marocaines, espagnoles et étrangères, exploitant les richesses économiques présentes dans cette partie du territoire (phosphates à Bou Craa, pêche à Dakhla et Laâyoune, pétrole en off-shore). A l’est, le Sahara libre ou la République arabe sahraouie démocratique (RASD). Créée dès 1976, de manière autoproclamée – bien qu’aujourd’hui reconnue par quelques Etats essentiellement africains -, la RASD a comme capitale symbolique Bir Lahlou, un village saharien où quelques bâtiments font office de Parlement, de Ministères et  de bureaux. Les autres villes libérées (Mijek, Tifariti, Zoug) sont occupées par les militaires du POLISARIO, tout comme le reste du Sahara occidental  à l’est du mur. 

Au-delà du Sahara libre, en territoire algérien, vivent en exil, depuis 1976, date à laquelle des bombardements au napalm menés par l’aviation marocaine ont contraint les habitants du Sahara occidental à prendre la fuite, quelque 160 000 Sahraouis. Ces Sahraouis habitent des camps de réfugiés, sur la hamada de Tindouf, une région isolée de l’Algérie. Aucune route goudronnée n’y mène. Seuls des avions venus d’Alger y atterrissent. Les conditions de vie y sont extrêmement difficiles, précaires. La survie au quotidien y est possible grâce à l’aide octroyée par l’Algérie et par des organisations non-gouvernementales. 

D’une étendue voisine à celle d’un département français, les camps de réfugiés de Tindouf reproduisent fidèlement, de par la volonté de leurs habitants et du POLISARIO, la géographie du territoire perdu. Quatre ensembles provinciaux, rassemblant à chaque fois une dizaine de camps, ont été construits, portant chacun le nom d’une ville occupée : Laâyoune, Smara, Dakhla, Aoussert. 

Dans ce territoire en exil, situé d’ailleurs sur un autre territoire – celui de l’Algérie -, la vie quotidienne s’est peu à peu organisée. Des écoles ont vu le jour, des dispensaires, des hôpitaux, des camps du Front POLISARIO. 

A plusieurs endroits, dans les deux camps ennemis, des contingents de la MINURSO (Mission des Nations Unies pour le Référendum au Sahara Occidental) sont présents. Ils sont là pour empêcher la guerre de redevenir effective, pour assurer la mise en place d’une consultation populaire, à l’issue de laquelle les populations auraient à s’exprimer sur le rattachement ou non de leur territoire au Royaume du Maroc. La MINURSO est présente au Sahara occidental depuis 1991 et le référendum, quinze ans plus tard, n’a toujours pas vu le jour. 

En attendant, sur la ligne de front, de part et d’autre du mur, des milliers de militaires, de l’armée marocaine et du Front POLISARIO, attendent. Ils attendent un ordre, des ordres. Ils attendent le faux pas de ceux d’en face. Ils sont en guerre ou plutôt en état de guerre. Ou du moins en état d’alerte permanente. Ils n’ont plus combattu depuis 1991 mais ils savent ou pensent qu’à tout moment le conflit peut reprendre, éclater à nouveau. Dans l’opacité des vents de sable, ils scrutent l’horizon, sans pouvoir s’en approcher. 

 

Pierre-Yves Vandeweerd


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