Des chameaux et des hommes

Publié le par www.territoireperdu.com

 

 

Depuis plusieurs films déjà, nous accompagnons, en tant que producteurs, le parcours de cinéaste de Pierre-Yves.

Il y a toujours quelque chose de mystérieux et de beau à suivre le cheminement d’une pensée qui, aux tours et détours de plusieurs années, va amener à un film, en l’espèce Territoire perdu.

Une pensée qui est passée par une idée — rendre compte de ce conflit ancien du Sahara ex-espagnol, oublié parce que sans enjeux géostratégiques, par une pratique — la fréquentation assidue dès son premier film des peuples du Sahel, de leur rapport spécifique au temps et à l’espace, du nomadisme et de ce que cela signifie sur les croyances, sur la terre qui n’est pas propriété de tel ou tel, mais au sens littéral, possédée.

Une pensée qui s’est traduite dans un dossier, dans des repérages qui ont duré des mois, parfois dans la clandestinité, dans la partie du Sahara occupée par les Marocains, toujours dans un rythme charnel, dans un espace qui paraît infini, dans ce temps qui paraît distendu.

Une pensée qui s’incarne dans un film qui a — comme tout grand film de cinéma, à nos yeux — abandonné nombre d’idées préalables pour s’affronter au réel, mais à un réel vu par l’œil de la caméra (en l’occurrence Super 8 et noir et blanc, choix lentement mûris) et retravaillé au son de manière extrêmement complexe (quel rapport entre les sons du désert et ceux d’un gouffre de Lozère, sinon celui de la nécessité du cinéma ?).

Et pourtant, malgré ces constantes surprises, cet émerveillement de voir surgir au montage du film un matériau unique, il y a une totale fidélité à cette pensée du départ.

Territoire perdu est à la fin d’un cycle de cinéma de Pierre-Yves — c’est-à-dire qu’il pose les prémisses de ses futurs films.

Parce qu’il réunit les deux veines cinématographiques sur lesquelles il a jusqu’alors travaillé, celle, « politique », mot trop petit pour exprimer par le langage cinématographique la symbiose avec ce qu’il advient du destin des hommes et femmes de cet immense Sahel, et celle, « poétique », mot trop grand pour exprimer les mystérieuses correspondances des Dormants, tissage d’images de naissance, de mort et de tellurique.

Et cette fin de cycle va donner résurgence à un avenir que Pierre-Yves ne connaît sans doute pas encore bien lui-même. Mais nous sommes sûrs que les chameaux de Territoire perdu ne braient pas dans le désert. Dans leur enfermement, ces chameaux nous hurlent. A nous, spectateurs attentifs du monde et du cinéma.

 

Michel David, Anne Deligne, Daniel De Valck

 


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